Si la démocratie est une valeur et pas seulement une « technique de gouvernement » une majorité de 51 % des votants, ne représentant qu’une part inférieure à ce chiffre du corps électoral, ne suffit pas à justifier une politique. L’État est chargé d’assurer la cohérence dans une société qui est hétérogène. Aujourd’hui le problème de la cohésion se substitue à celui de l’intégration. La démocratie est une activité collective dont la fonction essentielle est de « faire société ».
Sachant que la démocratie représentative, d’essence libérale et bourgeoise, dans laquelle les représentants sont autorisés par l’élection à transformer la volonté populaire en actes de gouvernement, constitue à l’heure actuelle le régime politique le plus communément répandu dans les pays occidentaux.
L’une des conséquences qui en résultent est qu’on a pris l’habitude de considérer que démocratie et représentation sont en quelque sorte synonyme, alors qu’en réalité il n’en est rien. Si le peuple est représenté, ce sont ses représentants qui détiennent le pouvoir, et en ce cas il n’est plus souverain. Le peuple souverain est un « être collectif » qui ne saurait être représenté que par lui-même. Renoncer à sa souveraineté serait comme renoncer à sa liberté, c’est-à-dire se détruire lui-même. Sitôt que le peuple a élu ses représentants, « il est esclave, il n’est rien ». La liberté, comme droit inaliénable, implique la plénitude d’un exercice sans lequel il ne peut y avoir de véritable citoyenneté politique.
La souveraineté populaire ne peut être, dans ces conditions, qu’indivise et inaliénable. Toute représentation correspond donc à une abdication. Les gouvernants ne peuvent donc être que des agents d’exécution, qui doivent se conformer aux fins déterminées par la volonté générale. Le rôle des représentants -élus ou autres -doit être réduit au maximum, le mandat représentatif perdant toute légitimité dès qu’il porte sur des fins ou des projets ne correspondant pas à la volonté générale.
Or, c’est exactement l’inverse de ce qui se passe aujourd’hui. Dans les démocraties libérales, le primat est donné à la représentation, et plus précisément à la représentation-incarnation. Le représentant, loin d’être seulement « commis » pour exprimer la volonté de ses électeurs, incarne lui-même cette volonté du seul fait qu’il est élu. Cela veut dire qu’il trouve dans son élection la justification qui lui permet d’agir, non plus selon la volonté de ceux qui l’ont élu, mais selon la sienne propre — en d’autres termes, qu’il se considère comme autorisé par le vote à faire ce qu’il juge bon de faire, en quelque sorte c’est comme un chèque en blanc.
Ce système est à l’origine des critiques qui n’ont cessé, dans le passé, d’être dirigées contre le parlementarisme, critiques qui rebondissent aujourd’hui à travers les débats sur le « déficit démocratique » et la « crise de la représentation ». Dans le système représentatif, l’électeur ayant délégué par le suffrage sa volonté politique à celui qui le représente, le centre de gravité du pouvoir réside immanquablement dans les représentants et les partis qui les regroupent, et non plus dans le peuple. La classe politique forme bientôt une oligarchie de professionnels qui défendent leurs intérêts propres, dans un climat général de confusion et d’irresponsabilité. S’y ajoute aujourd’hui, à une époque où ceux qui possèdent un pouvoir de décision le tiennent beaucoup plus souvent de la nomination ou de la cooptation que de l’élection, une oligarchie d’« experts », de hauts fonctionnaires et de techniciens.
Or, en démocratie, la légitimité du pouvoir ne dépend pas seulement de la conformité à la loi, ni même de la conformité à la Constitution, mais avant tout de la conformité de la pratique gouvernementale aux fins qui lui sont assignées par la volonté générale. Il est évident qu’on ne pourra jamais échapper totalement à la représentation, car l’idée de majorité gouvernante se heurte dans les sociétés modernes à des difficultés insurmontables. La représentation, qui n’est jamais qu’un pis-aller, n’épuise toutefois pas le principe démocratique. Elle peut dans une large mesure être corrigée par la mise en œuvre de la démocratie participative, dite aussi démocratie organique ou démocratie incarnée. Une telle réorientation apparait même aujourd’hui d’une nécessité accrue du fait de l’évolution générale de la société. La crise des structures institutionnelles et la disparition des « grands récits » fondateurs, la désaffection grandissante de l’électorat pour les partis politiques de type classique, le renouveau de la vie associative, l’émergence de nouveaux mouvements sociaux ou politiques (écologistes, régionalistes, identitaires) dont la caractéristique commune est de ne plus défendre des intérêts négociables mais des valeurs existentielles, laissent entrevoir la possibilité de recréer une citoyenneté active à partir de la base.
Ce n’est pas au niveau des grandes institutions collectives (partis, syndicats, mosquées, armée, école, etc.), entrées aujourd’hui toutes plus ou moins en crise et qui ne peuvent donc plus jouer leur rôle traditionnel d’intégration et d’intermédiation sociales, qu’il est possible de recréer une telle citoyenneté active. Le contrôle du pouvoir ne peut pas être non plus le seul apanage de partis politiques dont l’activité se résout trop souvent dans le clientélisme. La démocratie participative ne peut être aujourd’hui qu’une démocratie de base. La procédure référendaire (qu’elle résulte de la décision des gouvernants ou de l’initiative populaire, que le référendum soit facultatif ou obligatoire) n’est qu’une forme de démocratie directe parmi d’autres — dont on a peut-être d’ailleurs surestimé la portée. Soulignons une fois encore que le principe politique de la démocratie n’est pas que la majorité décide, mais que le peuple soit souverain. Le vote n’est lui-même qu’un simple moyen technique de consulter et de révéler l’opinion. Cela signifie que la démocratie est un principe politique qui ne saurait se confondre avec les moyens dont elle use, pas plus qu’elle ne saurait se ramener à une idée purement arithmétique ou quantitative. La qualité de citoyen ne s’épuise pas dans le vote. Elle consiste bien plutôt à dégager toutes les méthodes permettant de manifester ou de refuser le consentement, d’exprimer un refus ou une approbation.
Il convient donc d’explorer systématiquement toutes les formes possibles de participation active à la vie publique, qui sont aussi des formes de responsabilité et d’autonomie de soi, puisque la vie publique conditionne l’existence quotidienne de tous.
Mais la démocratie participative n’a pas seulement une portée politique. Elle a aussi une portée sociale. En favorisant les rapports de réciprocité, en permettant la recréation d’un lien social, elle peut aider à reconstituer des solidarités organiques aujourd’hui affaiblies, à recréer un tissu social désagrégé par la montée de l’individualisme et la fuite en avant dans le système de la concurrence et de l’intérêt. En tant qu’elle est productrice de socialité élémentaire, la démocratie participative va alors de pair avec la renaissance des communautés vivantes, la recréation des solidarités de voisinage, de quartier, sur les lieux de travail, etc.
Ainsi la démocratie participative est une forme de partage et d’exercice du pouvoir, fondée sur le renforcement de la participation des citoyens à la prise de décision politique. On parle également de « démocratie délibérative » pour mettre l’accent sur les différents processus permettant la participation du public à l’élaboration des décisions, pendant la phase de délibération. La démocratie participative ou délibérative peut prendre plusieurs formes, mais elle s’est d’abord instaurée sur le terrain de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme, avant de s’étendre dans les champs de l’environnement. Dans ces cadres, les associations jouent un rôle central en tant qu’interlocuteurs pour les autorités publiques.
Quand à la démocratie locale elle peut se définir comme le pouvoir de décision transféré dans certains domaines de compétences par un État à une collectivité locale ou régionale dotée elle-même d’institutions démocratiques : province, région, département, ville, etc. Le principe de subsidiarité, qui vise à donner la responsabilité des décisions à la plus petite entité capable de résoudre le problème, est donc au cœur du concept de « démocratie locale ».
Cette nécessité de revitaliser la démocratie s’appuie donc sur un rôle et un pouvoir nouveaux dévolus aux citoyens. Elle s’appuie sur une « citoyenneté active et informée » et sur la « formation d’un public actif, capable de déployer une capacité d’enquête et de rechercher lui-même une solution adaptée à ses problèmes ». En ce sens, la participation citoyenne est intrinsèquement liée au droit d’accès à l’information, La participation à une décision peut prendre la forme d’une consultation, d’une concertation, d’une co- élaboration ou d’un référendum local ou national. La démocratie participative est conçue comme un remède possible à la crise de défiance qui touche la sphère politique. Il s’agit de recréer des liens entre la société civile et les institutions. Dans les faits il s’est souvent agi de pseudo consultations pour faire valider des décisions déjà prises.
Concrètement en France le contrôle du citoyen sur l’action des élus locaux est une composante essentielle de la vie démocratique locale. Le citoyen dispose essentiellement de trois moyens de contrôle qui sont : L’accès à l’information relative aux affaires de la collectivité, ainsi tout citoyen peut-il assister aux délibérations du conseil municipal, consulter ses délibérations comme les budgets de sa commune ; L’élection, tous les six ans, des représentants locaux, qui valide ou sanctionne, a posteriori, la gestion de la collectivité par l’élu; La saisine, sous certaines conditions, du juge administratif, soit lorsque le citoyen « croit être personnellement lésé par un acte d’une autorité communale », soit lorsqu’il veut exercer « les actions qu’il croit appartenir à la commune, et que celle-ci a refusé ou négliger d’exercer ».
Quand à la participation du citoyen en France aux décisions locales elle a été considérablement renforcée depuis le début des années 1990 et est souvent conçue comme un corolaire nécessaire du processus de décentralisation. Une section « Consultation des électeurs » a été créée et cette participation se décline selon différents degrés. Les différentes concertations et consultations locales, qui sont : l’enquête d’utilité publique, le référendum décisionnel local, la Commission nationale du débat public transformée récemment en autorité administrative indépendante, le conseil de quartier, la commission consultative des services publics locaux, et le conseil de développement. Sans oublier le droit de pétition.
Au finale c’est la personne qui porte la chaussure qui sait le mieux si elle fait mal et où elle fait mal, même si le cordonnier est l’expert qui est le meilleur juge pour savoir comment y remédier. Une classe d’experts est inévitablement si éloignée de l’intérêt commun qu’elle devient nécessairement une classe avec des intérêts particuliers et un savoir privé ce qui, sur des matières qui concernent la société, revient à un non-savoir. A quand en Tunisie la mise en bonne place et l’application de la démocratie locale participative comme base. Aussi société civile à vos marques, dans un avenir proche, il faudra démocratiser plus notre démocratie naissante.