Jamel Saber

Ennahdha : Une dictature en gestation

 

Pour rappel Ennahdha suite à sa réussite aux élections du 23 octobre 2011 s’était retrouvé en bonne place pour présider la formation d’un gouvernement provisoire pour une période de la constituante d’une année, ceci suite à un consensus signé par les forces vives du pays, et confirmé par un décret loi du gouvernement BCS au moment de la passation de pouvoir.
Seulement voilà Ghannouchi emporté par l’ivresse du pouvoir qu’il convoitait depuis les années 80, a fait fi de tous ses engagements envers le peuple tunisien – société civile, partis, indépendants et autres- et s’est contenté au fil des 6 derniers mois par le biais de Jebali, de ses cadres et disciples “d’envahir“ les ministères, institutions publiques et en général l’espace publique en se targuant à chaque fois de la légitimité des urnes, le mini Destour provisoire, le règlement intérieur, et en rappelant aux contestataires qui critiquent son action qu’ils peuvent saisir l’ANC pour obtenir gain de causes, ou d’attendre la date des prochaines élections. Sachant qu’avec la Troïka qui dispose d’une majorité de sièges à la constituante fait qu’aucune décision à l’encontre d’Ennahdha ne pourra donc être prise, le système est donc verrouillé.Aussi dans cette logique Jebali s’est autoproclamé une pseudo- démocratie, en se donnant au passage les pleins pouvoirs pour tout faire à son bon vouloir, sans contre pouvoir réelle et sans participation active de la société civile à la prise de décisions, d’où “handicapé“ j’assiste donc à la gestation d’une nouvelle dictature pire que celle sous Zaba, et de fait Jebali & Co ont pris le peuple tunisien, les institutions, le pouvoir et le pays en otages .

Les conséquences sur terrain de cette fâcheuse situation comme suit : plus de 80 ministres, 16 / 24 gouvernants sont d’Ennahdha, centaine de délégués, des PDG, des hauts cadres administratifs et autres par milliers, d’où une course d’Ennahdha pour conquérir le pouvoir à la base, consolider son emprise et surtout préparer le terrain pour les élections à venir. Pour ce faire Ennahdha recycle, transforme et phagocyte toute l’entité, les cellules, et les hommes des Ex- RCD, de ce fait elle est présente sur tout le territoire tunisien et couvre les 270 délégations régionales, elle tisse sa toile d’araignée pour étendre son pouvoir .

Bref Jebali se comporte en “Monarque“ avec des pouvoirs absolus qu’il s’est donnés avec l’aval de l’ANC en 5 jours, sans aucun contre pouvoir effectif, et cette situation est une gave erreur pour l’instauration d’un climat propice à la transition démocratique, cette “fausse route“ prise par nos gouvernants actuels est lourde de conséquences et les derniers évènements dans le pays le prouvent, aussi Ghannouchi doit rapidement rectifier la politique à suivre pour la suite avant la tenu du congrès d’Ennahdha en Juillet, il doit choisir entre :

1- Première démarche : Sachant qu’un gouvernement provisoire, selon les règles internationales d’usage, qu’il soit légitime ou pas, ne peut établir une quelconque stratégie à terme, ni prendre une décision qui engage le pouvoir à venir. Il ne peut intervenir donc que sur la gestion des affaires courantes principalement ou celles qui revêtent un caractère d’urgence telles que les blessés de la révolution, la survie des familles nécessiteuses, les affaires d’injustice urgentes et de la prévention en vue de la stabilité du pays et de sa sécurité. Il faut reconnaitre que la situation du pays est assez contraignante quand on sait que la Troïka au pouvoir, bien qu’elle possède une majorité, celle-ci n’est que relative, et surtout non représentative puisqu’elle ne jouit même pas des 28 % des voix, si on considère la totalité des électeurs tunisiens, ce faible taux lui donne donc une légitimité très fragile et limitée dans le temps et l’espace qu’il ne faut jamais oublier. Ainsi donc, le gouvernement provisoire est en très mauvaise posture pour céder les biens de l’Etat ou prendre des décisions telles que la semaine des 5 jours, nommer ou révoquer les hauts fonctionnaires de l’Etat et surtout récompenser les anciens détenus politiques. Cela étant, il faut faire preuve de sagesse messieurs les gouvernants, sachant que vous-mêmes avez reproché au gouvernement de transition Essebsi d’avoir accordé l’indemnité spécifique aux fonctionnaires de l’Etat et vous avez raison, conscients que ce gouvernement a outrepassé ses prérogatives, et afin d’éviter toute récidive, il faut admettre que ce type de décisions est l’affaire du gouvernement définitif sachant qu’elles ne relèvent d’aucune urgence.

2- Deuxième démarche : Gérer le tout c’est ce que nous sommes entrain de vivre maintenant, la totale quoi en terme de gouvernance : faire le Destour, gérer les affaires courantes, mais aussi établir et mettre en exécution des programmes à moyens et longs termes sur plusieurs années pour structurer en profondeur les institutions, les ministères, les choix socioéconomiques et autres.
Pour cela il faut agir dans un esprit de consensus national, gouvernants, oppositions, indépendants et société civile doivent se mettre à table tous ensemble et prendre toutes les bonnes décisions pour le bien du pays. Evidement cette action aurait été banale pour un gouvernement élu pour une longue période de 4 à 5 ans ou tout sera permis, sauf que pour nous ce n’est pas le cas, nous traversons une phase de transition démocratique provisoire de la constituante, avec ses exigences et ses restrictions .

Seulement voilà, par malheur au quotidien et au vu de l’actualité, il s’avère qu’on a plutôt affaire à des dirigeants d’Ennahdha amateurs en démocratie, des profanes en gouvernances, très mal conseillés, d’autant plus avides de pouvoir et d’argent qu’ils n’espéraient plus depuis le temps, pour ne pas dire avec des visées douteuses pour le pays comme l’instauration d’un état islamique ou un 6éme Califat, leur but affiché en 1980 .

Aussi ca suffit cette situation a assez durée, cette logique de butin, de vengeance sournoise, d’arrogance et de chèque en blanc qu’Ennahdha pratique depuis son ascension au pouvoir doit cesser de suite, et je soutien l’initiative de l’Oppositions entre autres celle de Maya Jeribi pour la mise en place rapide et par consensus national, d’un gouvernement restreint de salue nationale, afin de ramener la paix sociale, la sécurité et la bonne marche des affaires, il en va de l’intérêt suprême du pays, faute de quoi le pire est à craindre, le pays ne pourra plus tenir longtemps dans cette fausse logique de gouvernance .

Ce dont je suis certain c’est que plus jamais une nouvelle dictature ne s’installera en Tunisie, et que tout est noté, enregistré et qu’un jour proche vous en répondrez devant le peuple bon gré mal gré.

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