Rached Ghannouchi est dans la tourmente. Selon le journal arabophone Al Anwar, le président du Parlement tunisien et chef historique d’Ennahdha serait à la tête de plus de 800 millions d’euros. Si elles sont démenties par le parti islamiste, ces accusations relancent les soupçons sur son financement.
Informations ou diffamations ? Depuis quelques jours, la Tunisie est suspendue aux colonnes du journal Al Anwar. Le titre arabophone affirme que Rached Ghannouchi, le président du Parlement, est à la tête d’une fortune colossale estimée à 2 700 millions de dinars tunisiens (environ 819 millions d’euros).
“Rached Ghannouchi serait à la tête d’une fortune douteuse”, titre la dessinatrice tunisienne Nadia Dhab, créatrice du compte Facebook “La bulle de Dlog”, qui réagit à l’information dans une caricature.
*Comptes en Suisse et actions françaises
Selon l’article, Rached Ghannouchi posséderait des comptes en Suisse, ainsi que des participations dans trois entreprises en France. Repris notamment par HakaekOnline, le journal arabophone précise que sa fortune personnelle est étroitement gérée par ses deux fils, Mouadh et Souheil, ainsi que par son gendre, qui est également un cadre du parti islamiste Ennahdha, Rafik Abdessalem.
Personnalité de premier plan et fondateur d’Ennahdha, Rached Ghannouchi n’a en revanche jamais été connu pour être un homme d’affaires ou pour avoir exercé une fonction autre que politique. L’information a donc de quoi susciter des soupçons de corruption.
Ennahdha, qui souligne qu’aucune preuve factuelle n’est avancée par Al Anwar, dénonce des accusations diffamatoires. Le parti de Rached Ghannouchi fustige un article “trompeur, digne des méthodes utilisées par les dictatures pour s’attaquer aux militants”, rapporte le site d’information L’Économiste maghrébin. D’ailleurs, le parti porte plainte pour publication d’informations mensongères.
*Un siège somptueux en centre-ville
Mais si l’information fait tant de bruit, c’est que la polémique autour du financement du parti Ennahdha, aujourd’hui majoritaire à l’Assemblée nationale, n’est pas nouvelle. Disposant d’un somptueux siège à proximité du centre-ville de Tunis, le financement d’Ennahdha a suscité des interrogations dès sa légalisation, après la révolution de 2011 (le parti avait passé trente ans dans la clandestinité).
En 2017, le Parti destourien libre, héritier du régime de l’ex-président Ben Ali, avait affirmé être en possession de documents prouvant que le parti fondé par Rached Ghannouchi est directement financé par l’émirat du Qatar, indique Business News.
En novembre 2020, la Cour des comptes tunisienne a épinglé la formation islamiste pour avoir eu recours à un financement extérieur lors de la campagne électorale de 2019. Une méthode illégale au regard de la loi tunisienne, explique le site Kapitalis.
*L’opium du peuple
Officiellement, les dirigeants d’Ennahdha ont toujours assuré que les “fonds sont à 100 % tunisiens”. “Ce sont nos adhérents, militants et sympathisants qui versent leurs contributions à Ennahdha, comme jadis nos femmes et nos sœurs avaient vendu leurs bijoux pour soutenir notre lutte”, avait à l’époque rétorqué Ajmi Lourimi, l’un des cadres du parti, note le site d’information Leaders.
Pour la caricaturiste Nadia Dhab, le débat est ailleurs. Les “origines douteuses” de la fortune de Rached Ghannouchi sont toutes trouvées : c’est le trafic d’opium. Une référence humoristique à la formule de Karl Marx, “l’opium du peuple”. C’est ainsi que le philosophe qualifiait la religion, en tant qu’outil aux mains des puissants pour asservir le peuple. Elle est aussi le socle du programme politique d’Ennahda.
(Courrier International)
* Photo modifiée ( phtoshop ).