À quand une opération « Mani pulite » en Tunisie ?

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Mani pulite (en italien, « Mains propres »), désignait une série d’enquêtes judiciaires. Réalisées au début des années 1990, et visant des personnalités du monde politique et économique italien. Ces enquêtes avaient mises au jour, un système de corruption et de financement illicite des partis politiques surnommé Tangentopoli (de tangente, « pot-de-vin » et de poli, « ville » en grec).

Des ministres, des députés, des sénateurs, des entrepreneurs et même des ex-présidents du conseil furent impliqués. Le premier à tomber était Bettino Craxi, le tout puissant secrétaire du PSI, qui s’apprêtait à être nommé de nouveau premier ministre. L’homme qui a été Premier ministre entre 1983 et 1987, s’enfuit à Hammamet, en Tunisie, où il était mort. Le bilan 20 ans après de l’opération « Mains Propres », elle avait constituée un sursaut extraordinaire, contre le « cancer social » de la corruption en Italie.

L’enquête Mani Pulite qui allait se traduire par 3.000 arrestations en deux ans (plus de 1.200 condamnations les années suivantes), et mettre en lumière une profonde collusion, entre partis politiques et milieux économiques. L’opération était entrée dans l’histoire, parce qu’elle avait aussi provoqué la disparition de la Démocratie chrétienne et du Parti socialiste. Partis dominants de l’après-guerre.

En Italie, la corruption dévore toujours 60 à 70 milliards d’euros par an. Et l’évasion fiscale 120 à 150 milliards. En soulignant qu’actuellement une centaine de parlementaires sont soit sous enquête, soit inculpés, ou condamnés pour corruption. Une vraie lutte contre ce fléau, passe par 3 règles de base : Interdire à un politicien condamné pour corruption de se représenter à des élections, à un entrepreneur condamné de participer à des marchés publics, et que les élus de tous bords renoncent à toute autre activité ( interdire le cumul des fonctions).

Sachant que Kadhafi aussi avait mit en place un scénario plus agressif voire guerrier, de mains propres à l’italienne, et souhaitait que tout le peuple libyen ait un accès direct à la richesse nationale du pétrole. Il était également au courant de la corruption enracinée dans les rangs du gouvernement libyen. Un programme sauvage de confiscation des propriétés supérieures à 10 hectares, était progressivement mis en œuvre. Tout au long de l’année 1978, des “Comités d’assainissements” extrême prenaient le contrôle des entreprises privées. En décembre, l’abolition du petit commerce était annoncée : à partir de 1981, les centaines de boutiques du Bazar de Tripoli, étaient remplacées par des « marchés jamahiriyens ». Soit de vastes unités publiques de distribution, étaient construites sur le modèle de la consommation de masse. Les professions libérales, étaient jugées incompatibles avec le nouveau système économique, devaient se reconvertir. Bref le chaos total était installé dans le pays, selon le bon vouloir de Khadafi pour mieux régner en maître absolu. C’était criminel.

Sachant aussi que la tentative tunisienne récente vouée à l’échec d’avance, avec le “Projet de la réconciliation nationale” présenté en août 2015 par BCE au Parlement (ARP) pour approbation. Se manifeste sous la forme d’une amnistie, qui devrait en finir définitivement avec le passé. Cette loi concernera à la fois le règne de Ben Ali et celui de la troïka (2012-2014). L’objectif est d’aboutir à la clôture des dossiers de corruption, et de malversation afin de tourner concrètement la page, et rétablir un climat propice à l’investissement.

À cet effet, le projet de la loi, composé de 11 articles, permettra la levée des poursuites et jugements. Ainsi que l’exécution des peines engagées, contre les fonctionnaires et assimilés pour des actes de malversations financières, sauf corruption et détournement de fonds.

D’après “l’Instance vérité et dignité” (IVD), la réconciliation nationale concernera environ que 1.000 fonctionnaires à tous les niveaux de l’administration. Et des établissements publics dont des banques, mais aussi que 30 anciens ministres et hauts commis de l’Etat. Mais ce projet prévoit aussi, l’amnistie pour les délits liés aux changes et les délits fiscaux. En contrepartie, les fraudeurs se verront obligés de restituer les montants détournés, et les bénéfices générés majorés de 5%. À un fond de dépôt et de conciliation, qui financera des projets de développement régionaux, mais aussi les petites entreprises.

Sachant que la Commission de Venise, désapprouve le projet de loi sur la réconciliation économique, et un remous voire un refus catégorique des partis politiques de l’opposition, et de certains au pouvoir. Bref au présent ce projet loi est abandonné, et pour cause je considère qu’il était exclusif douteux et mauvais, et que donc sa “mort dans l’œuf”, est une bonne chose pour la démocratie en gestation dans le pays.

Récemment une formulation actualisée et plus large que celle de « Min ayna laka hadha » sous B.Ali. Sera présentée à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP), qui devra examinée un “Projet de loi de la confiscation civile”. Composé de 33 articles, proposé le 3 mars 2016 par le Ministère des domaines de l’Etat et des affaires foncières, en tant qu’instrument pour lutter contre la corruption.

Ce projet de loi prévoit, l’enquête le gel de biens et activités, suite à quoi la confiscation des biens acquis illicitement. La confiscation des fortunes des citoyens gagnées en courte période et sans aucunes preuves. Ce projet loi organique soutient les efforts nationaux et internationaux, pour la lutte contre la corruption et d’autres formes de criminalité grave dans les secteurs privés et publics. Conformément aux standards internationaux et régionaux, dûment ratifiés par l’Etat tunisien. Et ce en fixant les conditions et les procédures de la privation des personnes. Ayant ou profitant d’une activité illicite, de garder ou de jouir des biens, qui constituent le fruit de cette activité. Ou qui ont permis de commettre une activité illicite, et ce tant que ceci ne fait pas l’objet d’un texte spécial.

L’Instance de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption à créer conformément à l’article 130 de la constitution, se chargera de cette fonction. Via le Tribunal administratif, et le Tribunal de première instance de Tunis.

Mais faut quand même le souligner avec du recul sur l’expérience italienne, c’est que l’effet pervers de l’opération Mains propres. Après un grand déballage spectaculaire qui a généré des réactions populistes classiques, reposant sur l’idée du « Tous pourris » comme on l’a connue en France à l’époque de Poujade. Conséquence directe tous les partis politiques traditionnels s’étant effondrés. Un grand entrepreneur, au passé trouble, est descendu dans l’arène, et tous les grands patrons dans le monde des affaires dans la tourmente. Bref un dysfonctionnement majeur dans le pays. On connait la suite. Mais comme la nature à horreur du vide, Mani pulite avait engendré, paradoxalement quelques années après, une autre forme de réaction « populiste ». Mais cette fois dirigée contre les juges !

C’est malheureusement ce qui risque à l’extrême de nous arriver en Tunisie. Avec une action à outrance, radicale de grande envergure, et tous azimuts de la grande corruption chez nous. C’est le vide total dans la sphère politique, et celle des affaires qui nous attendent au bout du chemin. Avec possibilité de dissolution des partis politiques au pouvoir, Nida Tounes, Ennahdha et autres. Et même ceux parmi l’opposition, sans oublier au passage les Big boss du business, et les barons de la contrebande, principaux financiers présumés de ces partis.

Bref prévisible que le pays tombera en “panne sèche”. Et pour cause absence un tant soit peu “d’huile” pour lubrifier la machine économico-financière sera grippée !

Je conseille donc au cas où ce Projet loi de confiscation civile aboutisse effectivement sur terrain, c’et loin d’être certain avec nos gouvernants actuels. D’agir “mollo” pour éviter le crash fatal, donc de trouver la bonne équation. Mais qu’aussi j’apporte mes réserves suivantes : D’une part faut que l’inventaire des biens “fallacieux”, se rapporte à la période de 1987 à ce jour. Et qu’aussi ne concernerait pas uniquement l’accusé de corruptions ou d’autres délits. Mais également tous ceux de sa famille proche (conjoint(e), enfants frères sœurs de tout âge confondu). D’une autre part je propose en Tunisie une variante plus “Soft” de Mani pulite à italienne. Avec donc pas d’emprisonnement pour les coupables mais que la confiscation. Et que l’autorité pour juger soit donnée au “Pole judiciaire”, et pas au Tribunal de première instance de Tunis.

Sans oublier la mise en place opérationnelle préalable des instances constitutionnelles suivantes, qui sont encore en “stand à by” dans les tiroirs de l’ARP, depuis des années dont : La “Cour Constitutionnelle”, le “Conseil supérieur de la magistrature”, de “Bonne gouvernance et de lutte contre la corruption”, de “La transparence”.

Au finale ce n’est pas pour demain la veille, j’estime au meilleure des cas avant septembre 2016. Que la guerre contre la corruption, ce fléau assimilé à du “terrorisme économique” qui sévit dans l’impunité totale. Et phagocyte 30% de notre PIB, sera engagée chez nous.

Malheureusement les corrompus ont donc encore de beaux jours devant eux. Ceci pour continuer à détruire mon pays. Surtout qu’à ce jour avec l’absence totale de volonté politique des 6 chefs de gouvernements depuis 2011. La “Grande lessive” d’assainissement, restructuration et mise à niveau de notre administration, et des collectivités locales n’a pas encore commencée. En priorité celle des Ministères des finances, de l’intérieur, et de la justice, véritables outils pour combattre surtout la Grande corruption .

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