En Allemagne, l’entreprise est le 1er acteur de la formation professionnelle.
Dans l’ensemble, les différents rapports d’organisations internationales, tel que l’OCDE, distinguent 3 types de formation professionnelle (FP) à travers le monde :
* Les « State-led », où la FP est principalement dirigée par l’Etat, comme en Tunisie, France ou en Italie.
* Les « systèmes duals » où Etats, autorités locales et entreprises collaborent afin d’adapter les offres de FP à la demande du marché comme en Allemagne (Suisse et Autriche).
*Et enfin, les « Market led » comme les États-Unis et le Japon, où l’État n’assure pas la FP, qui est organisée par les entreprises. En résulte un très faible taux d’apprentis.
En Tunisie c’est plutôt le « State-led », où on dénombre 136 « centres étatiques » de FP, réparties sur tout le territoire. La plupart d’entre eux disposent de moyens de restauration et d’hébergement. Avec un budget dépenses pour 2021 d’environ 970 millions dinars (1% du PIB).
« L’Agence Tunisienne de la Formation » (ATFP), sous la tutelle du « Ministère de la Formation Professionnelle et de l’Emploi », gère le plus grand nombre de centres de formations. L’ATFP, détient environ 95% du total des apprenants inscrits en cycle de FP en Tunisie. Elle gère environ 308 spécialités de formations.
Malheureusement La FP n’attire que partiellement les élèves. Elle accueille 100.000 apprenants, ce qui représente environ 13,2 % de l’effectif total du secondaire. La principale raison est que la FP véhicule toujours une image négative. Le système de FP se heurte au faible attrait des jeunes, dû au regard péjoratif de la société envers la FP. Et à l’envie des parents que leurs enfants poursuivent plutôt l’enseignement supérieur.
Sachant que le secteur de la FP constitue un levier non négligeable pour le développement de l’économie en général. Car il travaille en complément avec les secteurs de l’éducation, l’enseignement supérieur et l’emploi. En vue de l’ouverture des étudiants sur le monde du travail et des entreprises.
Mais le problème rencontré pour la plupart des FP en Tunisie, est le dysfonctionnement et l’inadéquation entre les offres des entreprises et la demande des chercheurs du travail. Et la quasi main mise de l’Etat sur la FP.
L’effet de cette situation d’inadéquation est la hausse de chômage. 80 % des diplômés sont issus de l’Université dont le tiers d’entre eux ont suivi un parcours dans la FP mais celui-ci n’est pas conforme aux besoins du marché de l’emploi. L’âge des participants aux FP constitue aussi le point faible du secteur. Ils sont âgés de 20 à 25 ans.
Face aux mutations rapides du monde du travail, le nombre de secteurs et d’emplois qui requièrent des qualifications professionnelles de haut niveau augmente constamment. La FP en Tunisie devra donc:
- Se mettre au diapason des nouveaux métiers, suite au modernisme, et à la mondialisation.
- Proposer une large gamme de formations axées sur le monde professionnel moderne. Aux jeunes comme aux adultes, elle permetra d’obtenir une qualification certifiée.
- Donner également la possibilité à tout adulte, qu’il soit salarié ou demandeur d’emploi, d’actualiser ou d’élargir ses compétences professionnelles.
- Elle portera sur 3 volets :
– La formation initiale, qui se fait dans le cadre de l’enseignement secondaire technique, à partir de la 3ème année.
– La formation professionnelle continue, qui rend possible un apprentissage, tout au long de la vie.
– La validation des acquis de l’expérience, qui permet d’obtenir une certification professionnelle, par la reconnaissance des compétences acquises dans l’exercice d’une activité salariée ou non.
- Faire aussi comme en Allemagne, avec Un « système dual » décentralisé, financé majoritairement par l’entreprise qui représente 3,5 à 6% de sa masse salariale.
Où il existe plusieurs sociétés et des firmes (25 % ), qui offrent la possibilité de faire une FP payante (700- 1.000 € mensuel) chez eux. Avec un système en alternance (apprentissage en entreprise et en école professionnelle), décentralisé et financé majoritairement par les entreprises.
La formation continue est financée à 30% par les entreprises, 38% par les individus et 21% par l’Etat. L’Etat financera les frais de l’école. Et ces sociétés procurent aux apprentis des cours théoriques-pratiques pour les différents métiers en alternance avec leurs stages.
Et ça se déroule 3-4 fois par semaine en entreprise, et 1ou 2 jours à l’école professionnelle. Ce parcours dure 3 ans (2 ans alternance et 1 an stage), après ce parcours l’apprenti obtiendra son diplôme.
La FP en Tunisie nécessite donc de « Grandes Réformes structurelles » à tous les niveaux. Tout comme le système éducatif en général qui doit s’adapter aux besoins du marché. Les ministères de tutelles doivent également dispenser des formations aux encadreurs et formateurs.
L’Allemagne, pays d’apprentissage de référence grâce à la cohésion public-privé devra inciter les gouvernants tunisiens actuels, à s’en inspirer de leur experience, et de les suivre dans leur approche, très concluante en la matière. Avec un taux de chômage le plus bas en Europe des jeunes de moins de 25 ans. En 2015 le taux de chômage des jeunes en Allemagne de 15 à 24 ans était 7.2% (alors que la moyenne européenne était 20.4%), et contribue donc à la force économique du pays.
Sachant pour plus de détails, que l’Etat allemand se distingue par la quasi autonomie de ses Länder (Etat fédéré) qui sont responsables d’une large partie des politiques publiques dont l’Éducation. Cependant, une exception est faite concernant la formation professionnelle où collaborent étroitement l’Etat, les Länder et le monde professionnel. Il s’agit du parcours le plus validé en Allemagne où près de la moitié de la population est passée par une formation professionnelle. Ce type de parcours, valorisé, peut s’effectuer en amont ou en complément d’un diplôme universitaire.
Des élèves ne s’engageant pas dans l’enseignement supérieur directement après le baccalauréat, 70% choisissent la formation en alternance. Cette part importante d’apprentis s’explique par une orientation précoce, dès 12 ans, où les élèves sont répartis selon leurs aptitudes entre la voie d’apprentissage dès 15 ans, celle de l’enseignement professionnel ou l’enseignement général.
La loi sur la FP (Berufsbildungsgesetz ou BBiG) organise la coopération entre tous les acteurs du « système dual » (ou FP en alternance) : Les entreprises, les Chambres de Commerce et d’Industrie, les syndicats, les Länder et l’État fédéral se partageant cette responsabilité. Tout l’enseignement professionnel (établissements, personnels, règlements, financements) relève de la gestion des Länder alors que les temps de formation en entreprise sont financés par ces dernières et réglementés par l’État fédéral (droits et rémunération des apprentis, conditions de travail…).
Les employés et les organisations syndicales sont consultés dans toutes les étapes de la formation professionnelle, à la fois par l’État fédéral mais aussi par les Länder pour l’élaboration des programmes d’études. Ils siègent généralement dans les conseils d’administration des écoles de FP ce qui assure une légitimité et une reconnaissance aux formations délivrées.
Le travail d’inspection des formations (en école ou en entreprise) et du bon fonctionnement du système, incombe ensuite aux Chambres de Commerce et d’Industrie. Les Länder coopèrent également entre eux afin de permettre la mobilité des apprentis dans la Fédération, notamment en harmonisant la délivrance des crédits professionnels et des diplômes.
Le point essentiel est qu’en Allemagne, l’entreprise est le 1er acteur de la formation professionnelle. Les entreprises ont une responsabilité dans ce domaine et, comme inscrit dans la Loi Fondamentale, doivent contribuer « au bien de la collectivité ». Ce sont vers elles que les étudiants se tournent en premier, et c’est ensuite à l’entreprise sollicitée de trouver une école de FP partenaire.
Au final, près des 2/3 d’une classe d’âge validera une formation en alternance avant ses 25 ans et près de 60% des apprentis sont ensuite engagés dans l’entreprise qui les a formés.
Conclusion : Aujourd’hui l’Allemagne se place comme le leader en termes de FP, grâce à un fort consensus public/privé. Le pays arrive, avec une dépense publique minimale, à former plus de la moitié de sa jeunesse en entreprise. Alors qu’en Tunisie, malgré des dépenses en hausse et des bénéfices fiscaux avantageux pour les entreprises partenaires, peine à former 13% d’apprentis par an. Il est alors évident que le développement de la FP en Tunisie doit suivre l’exemple germanique, plutôt que celui de la France (peu efficace et inéquitable), avec une implication grandissante des entreprises.
Une vraie réforme structurelle de la FP en alternance ou de l’apprentissage, doit donc avoir lieu en Tunisie au plus vite. Qui tendra à privilégier la flexibilité au dirigisme étatique.
Mes essais de 2021 en 5 volets … sur la réforme structurelle globale de l’Éducation nationale … c le grand défi du 21ème siècle en Tunisie 🇹🇳 … mais qui pourra le faire … possible KS dès 2024 ?