Membre invité du Comité Scientifique de « l’Association Tunisienne de la Culture Financière » ( ATCF ), à la clôture de la « 4ème journée d’étude sur les énergies renouvelables et Économie verte », qui se tiendra le samedi 10 septembre à l’hôtel Aziza-Hammamet. C’est une occasion propice pour faire un bilan objectif sur l’avancement des projets – réalisations en rapport avec les énergies renouvelables en Tunisie.
Sachant qu’en 2017, la puissance installée en énergies renouvelables ( ER ) représente 3% de la puissance totale, soit 311 MW. Cette capacité installée est répartie entre l’éolien (244 MW), l’hydraulique (62 MW) et le photovoltaïque (5 MW).
Le potentiel éolien de la Tunisie est évalué à 8 GW sur une surface exploitable de 1.600 km²
Fournies par le soleil, le vent, la chaleur de la terre, les chutes d’eau, les marées ou encore la croissance des végétaux, les ER n’engendrent pas ou peu de déchets ou d’émissions polluantes. Elles participent à la lutte contre l’effet de serre, et les rejets de CO2 dans l’atmosphère, facilitent la gestion raisonnée des ressources locales.
Ainsi le solaire, l’hydroélectricité, l’éolien, la biomasse, la géothermie sont des énergies flux inépuisables par rapport aux « énergies stock » tirées des gisements de combustibles fossiles en voie de raréfaction : pétrole, charbon, lignite, gaz naturel.
De cette appropriation par le public des ER que dépend le « Plan solaire tunisien » ( PST ) de 2015-2021, élaboré par l’Etat et les parties prenantes. Un plan qui peine encore à se concrétiser sur le terrain en raison de plusieurs difficultés. Selon les objectifs de ce plan, la Tunisie prévoyait d’atteindre 30% d’utilisation d’énergies renouvelables d’ici 2030.
Malheureusement en 2022, nous n’avons pu atteindre que 3%, en comparaison l’Allemagne a atteint 60%. Ce retard cumulé dans la réalisation des objectifs est en grande partie imputable à l’immobilisme de l’Etat dans ce cadre, et notamment la garantie de l’Etat pour les investisseurs dans le domaine, qui a tardé à venir. Autre problématique qui représente un frein à l’investissement dans le domaine, la question foncière. Également du côté du ministère de la Défense, des problématiques liées notamment à des enjeux sécuritaires subsistent et empêchent l’installation d’éoliennes.
Mais ce qui préoccupe davantage les entreprises du secteur et horripile les investisseurs, c’est sans aucun doute la position de la « Société tunisienne de l’électricité et du gaz » ( STEG ), qui oppose toujours un niet au raccordement des centrales solaires aux réseaux d’électricité. La STEG veut garder le monopole sur la fourniture de l’électricité. La loi sur la transition énergétique prévoit, en effet, la possibilité de négocier directement entre le fournisseur de l’énergie solaire et le bénéficiaire, tout en utilisant uniquement le réseau de la Steg. Malgré cela, la société nationale oppose un veto.
Les investisseurs sont bloqués et sont frileux à l’idée d’investir, avec un risque de se retrouver avec un lourd investissement bloqué par la STEG. Sa filiale la « STEG ER » qui a été créée en 2010, dans un cadre du partenariat public-privé ( PPP ), pour concrétiser la politique nationale relative à la promotion des énergies renouvelables et de contribuer à l’impulsion du PST. Elle a donc depuis une décennie faillie à sa mission.
Pour accélérer l’adoption des ER en Tunisie, il convient d’abord, selon « l’Agence internationale pour les énergies renouvelables » (IRENA), de résoudre les problématiques liées à l’absence de planification globale, à la multitude d’intervenants, à la complexité des procédures, à l’insuffisance des infrastructures disponibles et surtout au financement.
Dans son rapport de juin 2021 (* ), évaluant l’état de préparation de la Tunisie aux énergies renouvelables, l’IRENA recommande d’entreprendre huit actions essentielles. Et ce, pour accélérer l’adoption des ER par le pays.
Une telle plateforme comprendrait des directives normalisées et la liste des autorités concernées. En précisant les rôles et responsabilités de chacune d’entre elles, pendant les différentes étapes de la mise en œuvre des projets.
L’IRENA appelle aussi à établir un régulateur indépendant pour le sous-secteur de l’électricité. En effet, cette autorité garantira le respect des réglementations et encouragera la mise en place d’un environnement concurrentiel transparent et équitable pour les producteurs privés.
Résoudre la problématique du financement
Sous le chapitre du financement, l’IRENA a formulé trois recommandations. Il s’agit d’abord de rendre pleinement opérationnel le « Fonds de transition énergétique ». Et ce, en mobilisant les fonds nécessaires auprès des secteurs public et privé. Des mesures incitatives, des prêts et des lignes de crédit doivent être mis à disposition par les institutions financières internationales à cette fin.
L’agence recommande également de créer un mécanisme de financement dédié au pompage solaire de l’eau. En concevant un programme encourageant les agriculteurs à remplacer le diesel par l’énergie solaire photovoltaïque pour pomper l’eau.
Il serait possible de développer ce programme dans le cadre des programmes « Prosol et Prosol électrique ». Pour que les aides de l’État (notamment le système de crédits) correspondent à la capacité de remboursement des agriculteurs.
L’IRENA considère, par ailleurs, important d’impliquer les banques locales dans le financement des énergies renouvelables. Pour ce faire, le gouvernement devrait renforcer les capacités humaines et techniques des institutions financières locales. Et ce, afin d’améliorer leur aptitude à évaluer les risques liés aux projets, et les encourager à créer des mécanismes de crédit.
De même, il convient d’intensifier la levée de fonds d’origine étrangère, notamment par le biais de la coopération bilatérale et des programmes de financement pour le climat garantis par la « Société tunisienne de garantie » ou appuyés par la « Banque centrale de Tunisie » ( BCT ).
Bref le PST est un fiasco total, dumoins à ce jour, la faute incombe à tous. Quoique il faut noter enfin un petit avancement, au sujet de la « Centrale solaire photovoltaïque de Tataouine », d’une capacité de 10MWc, prête à la mise en service depuis l’année 2019, qui a été récemment raccordée au réseau de la STEG.
( * ) https://www.irena.org/publications/2021/Jun/Renewables-Readiness-Assessment-The-Republic-of-Tunisia-FR